Les pasteurs mélanodermes. Ecole d'Abaniora.

"Celui qui t'abreuve" dit la vache "te mettra la main au collet." (Proverbe Touareg).

 

"Le Peul". Jabbaren.

Le second type d' hommes qui cohabite au Sahara à cette époque est aussi mélanoderme, mais cette négritude est atténuée, la musculature plus allongée, souvent même élancée. Cette différenciation établie par l' art rupestre a été confirmée par l' étude des squelettes issus des fouilles notamment à Tin hanakaten.

Ces personnages aux traits fins ont soulevé beaucoup d' interrogations, ils apparaissent à certains auteurs comme des ancêtres possibles des Peuls comme le pensait déjà Henri LHOTE.

Ce sont des représentations de bovins qui attirèrent l' attention d' Amadou Hampâté Bâ lors de sa visite de l' exposition des fresques du Tassili n'Ajjer. Petit fils d' un silatigui ou grand maître en initiation pastorale, Hampâté Bâ avait assisté dans son enfance à plusieurs cérémonies rituelles. Par la suite il avait fréquenté l' école coranique puis française et enfin avait été lui même initié par un des derniers grands silatigui. Il s' est attaché toute sa vie à recueillir les légendes et les mythes des peuples africains animistes jusqu 'à devenir un des derniers dépositaire d' une civilisation orale. En fonction de ses connaissances, il décrypta immédiatement plusieurs peintures bovidiennes à première vue incompréhensible pour un observateur européen.

Amadou Hampâté Bâ et les contes Africains >>

 

Chez ces peuples bovidiens le troupeau était source de tous les mythes : le boeuf n' est pas seulement un animal, il est considéré comme un parent. Aujourd'hui encore les Peuls donnent un nom à chaque bête et répugnent à se nourrir de sa chair, ne consommant que son lait. Le pastorat nécessite tout un apprentissage, il est entouré de beaucoup de rites. L' attachement au monde animal est très fort. Le silatigui comprend le langage des animaux qui sont à leur tour en relation avec les éléments de l' univers.

Cependant parmi les milliers de peintures du Tassili il a été impossible de trouver de nouveaux exemples de corrélation avec avec les traditions peules. Cette thèse est donc quelque peu critiquée par certains auteurs (J.L. Le Quellec).

Les Peuls ne constituent pas la seule ethnie africaine présentant des similitudes avec les pasteurs bovidiens du Sahara, certains mythes autour du boeuf se retrouvent chez de nombres peuples pasteurs de l' Afrique de l' est. Il existe très certainement un fond mythique paléoafricain.

Scène de la vie quotidienne. Sefar.

Le pastoralisme étant le mode de vie de ces tribus, Peules ou autres, il était normal que leurs mythes se développent autour de leurs bêtes domestiques.

Parmi les objets revêtant un caractère presque sacré identifiés par Hampâté Bâ on trouve le récipient à lait. Le monde chez les Peuls provient d' une goutte de lait, chaque groupe de pasteurs avait une grand calebasse contenant le lait trait placé sous l' autorité d' une"gardienne du lait".

Pour des raisons certainement climatiques ces pasteurs nomades durent peu à peu quitter un Sahara engagé dans l' aridité pour se replier vers le Sahel plus humide, mais ils gardèrent leurs mythes intacts pendant près de 7 000 ans jusqu' à l' arrivée de l' Islam.

Il est intéressant de noter que l' Afrique noire a conservé des "poches de survivance" d' un passé néolithique révolu ailleurs depuis longtemps. La comparaison des données préhistoriques avec les mythes et les manifestations religieuses des ethnies ayant conservé un mode de vie traditionnel permet des interprétations de figurations rupestres et constitue une importante voie de recherche.

 

 

Cinq personnages en marche. Le premier tient une hache. Tin Abanhar.
Dignitaires. Short et bâton de jet. Tin Abanhar.
Moutons. Sefar.

L' école d'Abaniora.

Cette école peut se définir par les critères : peintures en aplat et personnages de type mixte, avec notamment une ressemblance avec les Peuls actuels.

Alfred Muzzolini a donné le nom de cette école d' après un site où les peintures relèvent quasiment toutes de cette ensemble, le site d'Abaniora sur le plateau de Tadjelahine. Les Touaregs avec qui nous l' avons visité ne l' appellent pas ainsi, mais Tin Abanhar.

 

Il s' agit d' une forêt de pierres, comparable à celle de Sefar, compartimentée de rues creusées par l' érosion et bordées de parois rocheuses sur lesquelles on observe des compositions rupestres par dizaines.

Les scènes avec des personnages en file et marchant à grandes enjambées sont nombreuses. Les anatomies des personnages sont de type non négroïde, plus élancées et plus graciles que celles de l' école de Sefar-Ozanéaré. Les coiffures montrent des bonnets ronds en résille tressée. Le vêtement courant est un simple pagne .

Les scènes les plus fréquentes sont de type pastorale avec des boeufs isolés ou en petits troupeaux, avec leurs gardiens. Les boeufs sont du type à grandes cornes, parfois en forme de lyre, généralement blanches.

La faune sauvage est peu représentée, quelques girafes et autruches, par contre les moutons font leur apparition.

On remarque parfois un échange de plumes entre deux personnages. Ce type d' échange est assez fréquent et pourrait signifier un geste d' hospitalité ou de courtoisie.

L' arme usuelle est encore l' arc, mais on trouve assez fréquemment le bâton de jet.

 

Tribu en déplacement et archers. Jabbaren.

Les peintures de cette école sont nombreuses dans la région d' Iherir (plateau de Tadjelahine) ainsi que dans une moindre mesure dans le tassili de Tamrit (site de Jabbaren).

Le thème de la tribu en déplacement est aussi présent dans cette école.

Sur la fresque ci contre les hommes sont presque tous représentés dans une position agressive, en position de course avec des arcs à la main. Les boeufs semblent porter des structures courbes effilées à l' avant et plus épaisses à l' arrière qui pourraient être des armatures de cases ou de tentes.

Des boeufs sont montés par des groupes de 3 personnages. La largeur totale de tableau est de plus de 2 m.

Boeufs alignés sur la corde à veaux. On note la variété des robes. Tan Toudouft.

Les fresques soulignent souvent l' importance donnée au matériel du pastorat. Souvent les boeufs portent les piquets avec la corde à veaux.

Chez les Peuls cette corde estt tendue à l' étape entre des piquets, on y noue plusieurs boucles, chacune servant à attacher un veau afin de le tenir éloigner de sa mère pendant la traite. Cette corde, appelée dangul, représente la "ligne de vie du troupeau" et les piquets qui la soutiennent portent les mêmes noms que les séquences qui divisent le mois lunaire.

Les cordes à veaux, qui interviennent lors de l' initiation des bergers, sont la propriété des femmes, chargées de tout ce qui concerne le laitage. Dans chaque parc est entreposée une grande calebasse destinée à recueillir le lait. Elle est placée sous l' autorité et la gestion de la première femme de la famille promue "gardienne du lait".

 

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