Les protoberbères. Ecole d'Iheren-Tahilahi.

Vivre au désert, ce n' est pas seulement devenir semblable à un monde dur, hostile, impitoyable. C' est aussi être sobre, apprendre la vie dans des endroits les plus beaux et les plus intenses du monde. (Le Clésio).

 

Boeufs à l' abreuvoir. Le premier avec les cornes en avant semble surveiller le troupeau. Iheren.

Au cours de la période pastorale les sociétés du Sahara apparaissent très diversifiées sur le plan ethnique et culturel, puis peu à peu le peuplement semble être dominé par des groupes blancs. Toutes les caractéristiques de ce peuplement montrent que c' est dans ce creuset que se constitue la souche à partir de laquelle vont émerger les premières populations berbères du Sahara. Plus tard d' autres vagues paléoberbères de migration suivront s' ajoutant à cette souche préhistorique pour constituer l' assise du monde Touareg. (Malika Hachid).

Ces groupes se sont répandus partout dans le Tassili N' Ajjer, notamment la région d' Iherir où ils ont laissé de magnifiques peintures.

Les protoberbères témoignent d' un art précieux avec un goût très prononcé pour le mélange des couleurs et surtout une technique nouvelle, celle du dessin au trait.

Alfred Muzzolini regroupe ces peintures au sein d' une école qu' il dénomme "école d'Iheren-Tahilari" d' après deux abris du plateau de Tadjelahine, au dessus du village d' Iherir, où les compositions de ce type abondent.

 

Chasse au lion. Iheren
Visage de femme. Iheren.
Les peintures faciales forment de véritables arabesques. Tahilahi.
Danse ou combat symbolique avec bâton de jet. Peintures corporelles. Iheren

L' école d'Iheren-Tahilahi.

Cette école correspond à des figurations qui se distinguent par une technique, le dessin au trait, et par le type des personnages exclusivement europoïde.

Cette école avec son naturalisme évolué et sa maîtrise technique a certainement produit les plus beaux chefs-d 'oeuvres des peintures rupestres du Sahara.

La principale caractéristique est le tracé effectué avec un pinceau fin, parfois utilisé seul, parfois employé avec des aplats légers de tonalité claire et quelques aplat plus foncé.

 

Les visages et les profils sont d' une remarquable précision. Ils sont tous de type Méditerranéen. La barbe courte est très fréquente et évoque déjà les représentations berbères.

Les femmes ont des coiffures sophistiquées, cheveux longs en tresses ou chignons, parfois complétées par des petits bonnets. Les hommes portent la coiffure traditionnelle des "Libyens" des bas-reliefs égyptiens : cheveux longs et lisses tirés vers l' arrière et les cotés. Des plumes comptèrent souvent les coiffures.

Un autre trait distinctif est constitué par la présence très souvent de peintures corporelles. Elles s' observent sous diverses formes. Les bras, les jambes et parfois la totalité du corps sont décorés par des peintures ou des tatouages. Les boeufs aussi sont parfois décorés, zébrés de rayures.

 

L' ethnologie nous apprend que ces peintures corporelles ont une autre signification que celle de parure. Il s' agit souvent de signes magiques qui entrent dans les rites religieux et guerriers. Ils peuvent aussi permettre de distinguer un groupe par rapport à un autre, ou encore le statut social de chacun.

La richesse de leur aspect physique, vêtements, coiffures, peintures corporelles, révèle la grande sensibilité esthétique des protoberbères, et annonce celle de leurs descendants. Les Touaregs actuels, par exemple, n' oseraient jamais se présenter dans un campement voisin s' ils ne portent pas leurs plus beaux vêtements.

L' arme usuelle de l' école est le bâton de jet. C' est une arme de chasse mais surtout une arme d' apparat. Parfois simple bois coudé, c' est le plus souvent un long bâton soigneusement décoré.On le brandit dans des scènes de combat ou de danse.

L' arc a presque complètement disparu, le javelot est utilisé pour la chasse.

Le chasseur tient dans sa main un bâton de jet en S ainsi qu' une lance. Il est suivi d' un bélier. Iheren.

Le mouton, quasiment absent des périodes précédentes, devient maintenant très fréquent, conséquence de l'asséchement du climat. Il est souvent associé dans les peintures à un guerrier.

Très souvent l' homme protoberbère est accompagné d' un petit bélier qui le suit fidèlement comme un chien. Les Protoberbères du Sahara central ont entretenu avec le bélier des liens très particuliers qui tiennent du symbolisme et de la convivialité.

Une scène du site de Jabbaren représente un homme au corps penché associé à un bélier et une arme, un bâton de jet.Il pourrait s' agir d' un jeu ou d' un rituel guerrier.

 

Une peinture de la grotte de Tahilahi représente un enfant caressant affectueusement un bélier. Cette scène pourrait laisser penser que les enfants étaient habitués tout jeune à s' occuper d' un bélier.

 

Girafe couchée - In Djaren (Tadrat). Un chef d' oeuvre compte tenu des moyens rudimentaires de l' époque.

 

Oryx. Iheren.

Dans un naturalisme consommé tout le bestiaire de la savane est figuré : girafes, éléphants, autruches, félins, gazelles et antilopes.

La présence de l' oryx, grande antilope aux cornes immenses et qui évolue dans dans un environnement sec, témoigne de l' aridité du climat. Vivant dans les régions sahéliennes et semi-désertiques le régime de l'oryx lui permet de couvrir ses besoins en eau uniquement avec la rosée du matin et lui permet de se passer complètement de boire.

Le groupe en déplacement. Iheren.
Montage de la tente. Iheren.

La tribu en déplacement est un thème qui revient fréquemment dans les compositions. Les protoberbères étaient des groupes pasteurs. Ils ont beaucoup représenté leur bétail, notamment dans des scènes de migration à la recherche de bons pâturages.

 

 

Le troupeau avance guidé par de jeunes bergers. Certains boeufs sont libres mais d' autres transportent les femmes sur leurs dos.

Les boeufs portent aussi les bagages, souvent fixés entre les cornes, ainsi que les armatures des tentes.

Les peuls wodabee utulisent encore pour le déplacement de leur campement un mode de transport analogue.

 

 

Arrivées au campement, les femmes montent les tentes à l' aide d' arceaux en bois. Les femmes touaregues de l' Aïr procèdent encore de la même manière que leurs ancêtres représentées sur les peintures d'Iheren.

 

 

La suite >>