Guerriers Libyens : les porteurs de javelots.

Ce que je cherchais, à travers les épreuves qu 'imposent l' exploration des déserts et au contact des peuples qui l' habitent, c' était la paix de l' âme. (Wilfred Theseger, Le désert des déserts).

 

Les gravures se trouvent bien en vue, sur les bords des oueds. Tagueï.

On peut observer dans les massifs de l' Aïr et de l'Adrar des Iforas des stations de gravures rupestres montrant des chevaux, des chameaux et des caractères tifinagh associés à des personnages armés, vêtus d' habits amples.

Ces gravures rupestres sont souvent réunis avec celles des "porteurs de lance" à tête en forme de tulipe dans un même ensemble des "guerriers libyens".

Cependant des éléments militent pour différencier ces gravures de celles des porteurs de lance. Les graveurs préfèrent désormais représenter les chevaux et les chameaux, et délaissent les girafes, les bovins et les autruches.

Les hommes et les femmes sont représentés de face, les épaisseurs des membres sont bien rendues. les vêtements sont amples et bien couvrant, souvent décorés de motifs géométriques. Les hommes semblent revêtus de pantalons bouffants de type saroual. On note aussi quelques grandes robes triangulaires à base très large, peut être pour distinguer les femmes.

Guerriers, javelots et caractères tifinagh. Arakao.
Cavaliers et méharistes. Tizerzait.
Girafes anciennes recouvertes par des porteurs de javelots. Tagueï.

Les coiffures sont variées : mèches, chignons avec appendices rayonnants et tresses. Les têtes de certains personnages sont cernés d' un trait plus épais qui évoque le voile porté par les Touaregs aujourd'hui.

L' expression"porteurs de javelots" pour désigner ces gravures est proposée par C. Dupuy (cf. article dans la revue Sahara N°10).

Guerrier avec un cheval à silhouette levrettée. Arakao.
Robe triangulaire. Tizerzait.

Certaines gravures représentent en effet des personnages avec plusieurs armes perçantes en main, ce qui laissent à penser que ce sont des armes de jet, des javelots.

Le javelot est parfois complété par un poignard de bras ainsi que par un petit bouclier rond.

Des caractères tifinagh disposés horizontalement ou verticalement sont associés à la majorité des scènes comme une signature de l' oeuvre.

Les espèces animales représentées dans les gravures devient très limité, ce sont essentiellement des chevaux et des chameaux.

Sur certaines gravures un personnage tient en bride un cheval représenté miniature en style levretté : la tête plus haute que le garrot, l'ensellure marquée, la queue fine rebondie et éloignée de l' arrière train. ce style levretté se retrouve sur des gravures de l' atlas au sud d'Oran en Algérie.Dans le monde carthaginois et romain le cheval était le symbole de la puissance guerrière. On peut penser qu' il était de même pour les "porteurs de javelots".

Les chevaux et les chameaux sont parfois représentés montés par des cavaliers et des méharistes. Il n' est cependant pas possible de discerner dans le Sahara méridional une période du cheval monté antérieure à celle du chameau.

Dans de nombreuses stations ces gravures se superposent à celles des porteurs de lances. Les patines plus claires des porteurs de javelots confirme la chronologie relatives des réalisations.

Ces gravures ont toujours été attribuées aux ancêtres des Touaregs en raison des multiples parallèles que l' on peut établir en les oeuvres rupestres et leurs traditions.

Guerriers. Tizerzait.

A l' art rupestre des porteurs de lance succède donc une phase "alphabétique" riche en tifinagh, en chevaux et en chameaux (dromadaires) développant une scénographie en relation avec les coutumes propres des Touaregs. Aussi paraît il logique d'attrribuer ces oeuvres rupestres aux ancêtres des Touaregs. (C. Dupuy).

Coiffures avec appendices rayonnants et tresses. Arakao.

On peut émettre alors l' idée selon laquelle des cavaliers et des méharistes originaires du Nord du Sahara se rendent maître, quelques siècles après J. C., des territoires sud-sahariens et y imposent leur mode de vie ainsi que leur culture. Les descendants des pasteurs de bovins auteurs des "porteurs de lance" ont du quand à eux migrer avec leurs troupeaux vers les territoires de la boucle du Niger en raison de l' aridification croissante.

Cette arrivée de cavaliers et de méharistes berbères dans le Sahara méridional est prouvée depuis les fouilles de tombes dans le massif de l' Aïr qui ont livré un matériel (bijoux et poteries) typiquement berbère. Les datations effectuées donnent des dates comprises entre 700 et 1000 ap. J.C. Ces vestiges témoignent d' influences nord-africaines et berbères à une époque où les ancêtres des Touaregs s' installent dans l' Aïr et l'Adrar des Iforas.

Le site de Tizerzait. Aïr. Niger