Période Caméline. Peintures du Tassili.

Depuis toujours, sur la terre sèche, raclée jusqu'à l'os, de ce pays démesuré, quelques hommes cheminaient sans trêve, qui ne possédaient rien mais ne servaient personne, seigneurs misérables et libres d'un étrange royaume. (Albert Camus)

 

Le méhariste est assis sur une selle à l' avant de la bosse, les pieds appuyés sur le cou pour s' équilibrer et diriger l' animal. In Eidi. Akakus.

Le char disparaît et le chameau (dromadaire en réalité) fait son apparition, animal directeur de la dernière période de l' art rupestre, la période caméline. Même si l' on ignore son origine, il semble bien que le chameau ait très tôt fait partie du paysage nord-africain. Les témoignages sont très nombreux au I siècle avant J.- C.

Pour certains son origine est orientale et les invasions assyrienne de l'Egypte aux VIII et VII siècle avant J.- C. en serait le premier relais. Il a fallu ensuite encore deux siècles avant qu' il ne devienne une bête de somme. Les populations sahariennes, pour lesquelles l' acquisition du chameau était une question de survie, l' ont ensuite très rapidement adopté, dans les derniers siècles avant notre ère.

Origine et domestication du dromadaire >>

On se demande ce que serait devenu le Sahara sans le dromadaire. Non seulement cet animal permit aux hommes de s'y maintenir, mais il renforça leur rôle économique, permettant, par l' intermédiaire de la caravane, de transporter toutes sortes de marchandises du Soudan vers la Méditerranée, et par là, de mettre les sahariens en contact avec d' autres hommes, d' autres cultures.

 

Palmeraie. Un homme grimpe au palmier. Ti-n Hamani. Adrar n'Ajjer.
Chameaux et caractères tifinagh. Ti-n Anneuin. Akakus.
Cavalier avec une épée et une lance. In Eidi. Akakus
Deux enclos. Eheren..

Pour traverser le désert, le chamelier à besoin de vivres faciles à transporter et à consommer: les dattes. Séchées entières ou pilées, parfois mélangées à du fromage et du mil réduits en poudre et délayés dans du lait, les dates constituent aliment de haute valeur nutritionnelle idéal pour de longues méharées où il est impossible de s' arrêter pour cuir du pain et cuisiner.

"Le désert est devenu un désert sauvé par la datte et le dromadaire." (Malika Hachid).

Dans les oasis les palmiers jouent aussi un rôle important dans l' économie. Troncs et palmes servent à la construction, les fibres à la vannerie et à différents objets quotidiens.

Si le chameau est naturellement l' élément essentiel des compositions quelles que soit les régions du Sahara, il existe cependant des particularités stylistique locales. Une "école caméline" attribuable à un seul groupe ethnique est difficilement concevable à l' échelle de tout le Sahara.

Les différentes populations sont déjà bien en place, la séparation entre les mondes touareg et toubou apparaît nettement.

A. Muzzolini propose de n' identifier des "écoles camélines" que par rapport à des régions géographiques bien déterminées.

École caméline "tassilienne" (Akakus et Tassili N'Ajjer).

Les peintures se caractérisent par :

  • des patines fraîches, souvent l' ocre est plus rouge que dans les périodes précédentes;
  • un style très peu naturaliste et une forte tendance pour le schématisme. Les détails sont rendus de manière très sommaire, les proportions approximatives.
  • présence d' unélément thématique. Ce peut être la présence d' un chameau ou bien d' inscriptions libyques et de tifinagh. Ce peut être aussi les représentations de personnages armés d' épées ou encore d' enclos à formes géométriques.

Les personnages respectent encore vaguement, mais de manière plus schématique, la forme bi-triangulaire. L' épée, inconnue dans les périodes précédentes, fait son apparition au Sahara central en même temps que le chameau. Elle constitue avec le bouclier, le poignard et le javelot l' armement.

Des chevaux accompagnent parfois les méharistes sur leurs chameaux. Il s' agit de chevaux mi-naturalistes mi-schématiques, à forte encolure mais avec une tête fine. Les jambes sont raides, la crinière hérissée. Ils peuvent être représentés avec ou sans cavalier.

On remarque aussi la représentation d' enclos avec des formes géométriques strictes, cercles ou carrés, qui étaient inconnues dans les périodes précédentes.

Cependant On ne constate pas de rupture nette avec les peintures de la période caballine du Tassili. Le passage de l' école des chars "au galop volant" à l' école caméline se fait sans à-coup.

On ne trouve parmi mes représentations aucun exemple d' affrontement entre cavaliers et méharistes. Il ne s' agit donc pas d' une invasion de tribus connaissant le chameau et venues du nord, mais plutôt d' une évolution d' un même groupe ethnique.

Scène de rezzou. In Itinen. Ajjer.

Un des thèmes principaux est celui de la bataille. Image  de la caravane de dromadaires attaquée, évocation la plus ancienne de la razzia. Les Garamantes étaient déjà connus dans l' antiquité pour leur pratique du pillage. Les Touaregs feront de la razzia une des bases de leur économie.

Chasse au mouflon. In Teghaghit. Akakus.
Le palaquin, la selle de chameau pour femmes est représenté de manière de plus en plus symbolique.

Camélin récent. Imerka. Akakus.

Les scènes de chasse sont fréquentes, notamment au mouflon avec des chiens. Ce type de chasse fait partie de la culture traditionnelle des touaregs.

Les images nous présentent des traditions typiquement Touareg : monte de dromadaires, razzia , vêtements amples, usage de l' écriture. Elles se trouvent en grande partie dans l' espace touareg actuel. Il parait logique d' attribuer cet art rupestre à leurs ancêtres.

Les Touaregs appellent ces ancêtres les "Kel Iru", les "gens d' autrefois", et les légendes leur attribuent une origine beaucoup plus récente qui remonterait au Moyen Âge avec des migrations de groupes venant du nord qui prennent le pas sur les populations locales.

Ces légendes ne sont pas fausses, les groupes Touaregs se sont mis en place grâce à une succession de migrations depuis l' Afrique du Nord et la Libye jusqu 'à une époque récente. Mais les populations locales qui accueillent ces nouveaux arrivants sont déjà des berbères.

Ils est maintenant acquis que la société Touaregue à commencé à se mettre en place et à se structurer durant le premier millénaire avant J.C.

Le camélin récent.

Une période plus récente de cette école caméline se développe ensuite un peu partout dans le Sahara. Les patines sont très claires et les techniques d' exécution vraiment très sommaires.

Camélin récent. Ti-n Anneuin. Akakus.

Les scènes représentent des personnages et des chameaux associés à des caractères tifinagh qui sont maintenant lisibles et compréhensibles par les Touaregs.

 

On trouve aussi des gravures très sommaire dans le Sahara central ainsi que dans les massifs de l' Aïr et de l'Adrar des Iforas.

 

Toutes ces compositions récentes montrent un certain air de famille.

 

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