Les peintures caballine du Sahara central.

"Multiplie tes refuges" dit l' écureuil"et ta vie sera longue". (Proverbe touareg).

 

Pasteurs de Ti- Anneuin: Jabbaren et Ti-n Lalan.

Avec l' aridité qui s' installe les pasteurs et leurs riches troupeaux abandonnent de plus en plus le Sahara pour les plaines de Sahel. Cependant les tribus paléoberbères qui l' occupent encore n' en participent pas moins à l' histoire de l' Afrique du Nord. Les relations entre ces populations du Sahara et les cités de la Méditerranée, Cyrène et Carthage par exemple, deviennent plus importantes.

L' armement change, les javelots remplacent l' arc traditionnel. Le char, utilisé pour la chasse et le prestige, et le cheval font bientôt leur apparition. Le Sahara entre maintenant dans la protohistoire avec les premiers témoignages de Hérodote : "Au dessus de la mer et des populations qui la bordent, se trouve la Libye des bêtes sauvages et au dessus s' étend une zone de sable terriblement sèche et déserte".

Comme pour les Proto berbères Bovidiens, l' art rupestre paléoberbère demeure la source la plus importante pour les débuts de l' histoire au Sahara. Cet art possède une unité culturelle et dont les mots clés sont : le cheval et le char, l' écriture et le métal.

Durant cette période on peut distinguer deux écoles de peintures. La première est appelée"Libyens sahariens" par Malika Hachid et "Pasteurs de Tin Anneuin" par Afred Muzzolini.

Jabbaren.
Épée courte et tanfouk.

Les pasteurs de Ti-n Anneuin.

Cette école a été nommée ainsi par Mori d' après un site de l' Akakus mais elle est aussi très largement présente dans le Tassili n'Ajjer.

Immeseridjen.
Ti-n Anneuin. Akakus.

Les peintures représentent toujours le même thème. Il s' agit de personnages peints généralement en blanc et portant une cape ocre agrafée devant le cou. Les hommes sont grands et élancés . Dans certains cas le manteau ocre est absent, mais l' allure du corps reste la même. Les personnages sont toujours représentés de profil. Le rendu des anatomies est moins schématique que celui des personnages "à tête-bâtonnet" (la deuxièmeécole de la période), le contour des têtes est plus détaillé. Les corps sont toujours très élancés.

Très souvent ces hommes portent des plumes blanches dans les cheveux. Quelques ornements peuvent être figurés : bandeau ocre autour du front et bracelets de chevilles. Le bandeau frontal est un signe de la chefferie berbère.

Les attitudes sont dignes, on les voit presque toujours debout, marchant en file, jamais impliqué dans une scène de la vie courante.

Les animaux sont très rarement représentés. Quelques chevaux sont associés à ces personnages dans le massif de l'Akakus en Libye. Les femmes ne sont jamais figurées dans cette école de peintures.

Ils tiennent souvent à la main soit un bâton de jet, soit un javelot, soit un petit arc. Comme on ne les voit jamais en action il est possible que ce ne soient que des marques de dignité. Beaucoup plus qu 'une arme le bâton de jet est un insigne de pouvoir comme celui que les Touaregs nobles ont le droit de garder à la main en guise de bâton de commandement. Ce bâton est appelé talak

Les pasteurs de Ti-n Anneuin portent une épée courte grâce à un baudrier qui ceinture non pas la taille mais le cou et la poitrine. Cette façon de porter l' épée est bien identifiée chez les peuples de la mer en guerre avec les soldats du pharaon mais aussi chez les grecs. Elle est peut être à l 'origine du tanfouk, bijou touareg en forme de poignard avec une lame en pierre polie et une poignée anneau permettant la suspension.

 

Couple "tête bâtonnet". Oua-Erassène
détails des têtes.

Les personnages à "tête bâtonnet".

La deuxième école a été vulgarisée par Henri Lhote. Les peintures représentent essentiellement des personnages schématiques avec une tête en forme de bâtonnet. Ces personnages sont aussi nommés par Lhote "Caballins" ou encore "Equidiens".

Personnages à tuniques. In Djaren. Tadrart
Ti-n Ascigh. Akakus..
Femmes stéatopyges. Istanen. Akakus.
personnages "tête bâtonnet" et un bovidé. Oua-Erassène

A. Muzzolini propose d' identifier cette école avec les critères suivants :

            • Peinture en aplat, le plus souvent ocre, parfois blanc surtout en Akakus, avec peu de détails internes.
            • Un style fortement géométrique avec des lignes droites qui évitent les courbes et les fantaisies;La silhouettes des personnages donne l' impression d' une anatomie raide avec une forme générale "bi triangulaire".
            • Des personnages spécifiques avec une tête très schématisée, le plus souvent en forme de bâtonnet.

Il faut cependant quelque peu moduler ces critères. En effet la tête en forme de bâtonnet a continuer d' être utiliser dans la période suivante (caméline), le vrai critère discriminant est bien la forme des personnages.

Un triangle est parfois ajouté au bâtonnet, figurant un nez très schématique. Sur quelques peintures bien conservées on peut encore observer qu'en fait le bâtonnet a parfois servi de support à une vraie tête exécutée avec un pigment différent, plus fragile qui a aujourd'hui disparu. Dans quelques rares cas les visages sont bien détaillés. Les traits sont alors europoïde semblable à ceux du groupe d' Iheren-Tahilahi.

Une particularité locale de l' Akakus est le traitement en blanc de ce type de personnage.

Les hommes portent une jupe courte, une sorte de tunique jusqu' à mi-cuisse, parfois légèrement retroussée à la base, serrée à la taille et qui s' évase ensuite. Cette tunique leur donne cette allure particulière qui a conduit à les dénommer "bi triangulaires".

Cette tunique a une longévité historique remarquable, en effet un vêtement en cuir souple identique s' est conservé chez les Touaregs jusqu'au début du siècle.

Les femmes apparaissent dans ces figurations. Les vêtements, souvent des robes longues, adoucissent la raideur des silhouettes. Elles sont fréquemment très cambrées et peuvent présenter dans certains cas une stéatopygie accentuée (de stéato-, et -pyge "fesse", dont le tissu adipeux est très développé au niveau des fesses). Cependant celle-ci ne doit sans doute être interpréter que comme une convention artistique locale et non comme la représentation d' un caractère génétique des populations.

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Bien que peu présents, les animaux sont rendus avec un peu plus de réalisme que les personnages. Cependant on remarque des gaucheries dans les proportions et les détails internes. Ils n' ont plus la finesse de l' école d' Iheren-Tahilahi par exemple.

Les chevaux sont surtout présents dans les compositions avec des chars. Ils sont souvent figurés avec un style nommé "au galop volant" avec des pattes raides, tendues et presque à l' horizontale. On trouve aussi quelques représentations de boeufs.

 

Le javelot est souvent porté comme une marque de dignité. Ti-n Teferiest (Tamrit).

L' armement de cette école est presque exclusivement le javelot, l' arc a disparu. Parfois les personnages portent de grandes lances.

Danse aux bâtons. Oued Bohediane. (Tadrart)

Il existait chez ces personnages à "tête de bâtonnet " une danse guerrière qui est encore pratiquée par les Touaregs.

Les danseurs utilisent leurs bâtons de commandement qu 'ils maintiennent côte à côte, les croisant et les entrechoquant. Ce thème se retrouve en plusieurs endroits du tassili et de la Tadrat.

Ces danses évoquent probablement des préparatifs de guerre.

 
ambiance musicale Ti-n Ascigh. Akakus.

De nombreuses images représentent la vie quotidienne. Les habitations sont représentés sous une forme circulaire. Des hommes et des femmes se tiennent à l' intérieur, debout ou assis se faisant la conversation. Ces images de couples sont nombreuses et on peut y voir la préfiguration d' une tradition socioculturelle du monde Touareg, l'ahal, ces soirées de divertissement musical et poétique prétexte de rapprochement.

Les ancêtres des berbères tenaient le femme en très haute estime et les peintures témoignent de son statut. La mixité est de rigueur et sa position socio-politique ne diffère pas de celle de l' homme.

La femme Touareg héritera d' une grande partie de ces droits.

Une thèse souvent reprise dans la littérature présente ces "Caballins" comme des Garamantes, peuple bien connu de l' antiquité, notamment par les écrits d'Herodote et basé au Fezzan en Libye. Cette thèse est basée sur l' usage commun des chars par les "Caballins" et les Garamantes. Cependant l' usage du char était banalisé à l' époque, de plus aucune représentation de char "au galop volant", n'a été retrouvée au Fezzan. Cette domination des Garamantes sur le Tassili reste donc une simple hypothèse.

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Personnages à tête bâtonnet. Akharen.

La production artistique de ces caballins, toutes les peintures de l' école des personnages à tête bâtonnet, se situe sur le même territoire que celle des populations proto berbère, la région du Tassili N'Ajjer et de l'Akakus.

On peut remarquer que ces groupes sont tous les deux du type europoïde, que leurs peintures sont souvent juxtaposées sur les mêmes parois et qu' il n'y a aucune représentation d' affrontement entre des proto berbères et des caballins.

Tous ces faits laissent à penser que le changement entre le style naturaliste des proto berbères et le style plus schématique des caballins s' est fait au sein d' un même groupe ethnique que l' on peut supposer lié à l' origine des populations actuelles du Tassili.

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