L' écriture libyco-berbère et les tifinagh

Notre écriture à nous, en Ahaggar, est une écriture de nomades parce qu 'elle est tout en bâton qui sont les jambes de tous les troupeaux. (Dassine Oult Yemma).

 

Abri de Tin Hamanie. Adrar N'Ajjer.

L' écriture "libyco-berbère".

Les représentations d' art rupestre du Sahara sont souvent associées à des inscriptions rédigées dans un type d' écriture reconnaissable au style des caractères. Ces inscriptions sont dites "libyco-berbères" car de très nombreux documents attestent de la présence de cette écriture sur une aire qui coïncide en gros avec l' ancien territoire des berbères.

Les premières inscriptions "libyco-berbères apparaissent vers 1500 - 1000 avant J.C. (époque des chars ).

On distingue traditionnellement plusieurs formes de l' alphabet de cette écriture, l' oriental (est de l' Algérie, Tunisie), l' occidental (Îles Canaries, Maroc, ouest Algérie) et le saharien.  Cependant de nombreuses variantes existent dans ces grands ensembles qui correspondent vraisemblablement à des états de langue aussi variés a cette époque qu 'ils le sont aujourd'hui.         

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Tifinagh récents superposésà des peintures caballines. Tin Hamanie. Adrar N'Ajjer.

Le Libyque appartient à la famille afrasienne comme l' égyptien. L' alphabet est strictement consonantique, les voyelles ne sont pas notées, sauf en fin de mot, et les mots ne sont pas séparés. L' orientation est très fantaisiste, souvent de haut en bas, mais aussi de gauche à droite ou de droite à gauche. Cette structure complexe explique les difficultés de déchiffrement. Actuellement seul le Libyque oriental est déchiffré.

L' unité profonde de ces différentes formes apparaît dans le tracé des lettres qui ont partout les mêmes formes géométriques simples et non cursives: barre, cercle, chevron, point ou des combinaisons de ces figures.

Les origine sont assez obscures. La première hypothèse à été le modèle punique, le mot "punique" étant relatif à Carthage fondée par les Phéniciens. L' alphabet libyque aurait été emprunté au phènicien. Cette hypothèse est justifié par le rôle important que cet alphabet à joué en Afrique du Nord. D' ailleurs le nom touareg des caractères actuels,le nom "tifinagh", dérive de la racine qui désigne les phénicien en sémitique. Cependant la forme,le style des caractères et le peu de lettres communes ne confortent pas cette origine.

Une autre hypothèse est que le libyque et le phénicien seraient des évolutions d' un alphabet encore plus ancien.

 

Tifinagh gravés. Tadrart.
Figure géométrique et tifinagh. Tissoukai.
Animal indéterminé, chien ou félin, avec une queue en forme de spirale. Les poils de la bête sont représentés. Tin Aboteka.

Mais l' hypothèse la plus satisfaisante actuellement est celle d' une origine autochtone du libyque. L' écriture libyque serait née d' un ensemble de signes appartenant à l' art géométrique (peintures corporelles, décors des vêtements, marques de bétails) qui, perfectionnés par différents emprunts (sémitique, punique, anciens alphabets de l' arabie du sud), auraient évoluer pour devenir des lettres.

La présence de nos jours de signes libyques et tifinagh sur les bijoux et vêtements pourraient faire penser à un système magico-religieux qui précéda l' écriture.

Le grand nombre d' inscriptions verticales laisse supposer une origine ancienne. En effet ce type d' inscriptions ne se retrouvent que dans les premiers débuts des alphabets ainsi que dans les hiéroglyphes égyptiens.

Ces caractères sont tout naturellement destinés à être gravés ou peints sur des rochers en inscriptions courtes qui viennent seulement préciser le sens de l' image qu 'ils accompagnent. Le vieux verbe berbère pour "écrire", ara, a comme sens premier "inciser".

 

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Les deux inscriptions de Takoudematine. Tasilli N'Ajjer.

Quelques inscriptions bilingues (libyco-latines et libyco-puniques) découvertes sur des stèles funéraires au Maroc et en Tunisie ont permis de restituer le valeur de certains signes.

L' inscription ancienne.
L' inscription moderne commence par la formule "awa nek".

Cette peinture de Takoudematine pourrait aider au déchiffrement du Libyque saharien.

Elle regroupe deux inscriptions de périodes différentes.
La première, oblique,est associé à un personnage garamante portant un bouclier et un bâton de commandement. Elle utilise l' alphabet libyque saharien.
La deuxième, plus récente, horizontale, est associée à un chameau. Elle utilise un alphabet tifinagh moderne.

 

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Tifinagh et guerrier berbère. Tin Hamanie..
L' alphabet Tifinagh récent.

Cette écriture a disparu de l' Afrique du nord cependant le libyque saharien se conserve et va évoluer en tifinagh ancien partiellement interprété par les Touaregs, puis en tifinagh récent encore utilisé aujourd'hui.

Le tifinagh est encore largement utilisé par les Touaregs et pas seulement par les femmes qui l' enseignent en écrivant sur le sable.

Le terme tifinagh est le pluriel de tafineq où ta est la marque du féminin. Les formes sont géométriques (points, cercles, traits). Cet alphabet est essentiellement consonantique et les voyelles ne sont transcrites que par un point en fin de mots.

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Tifinagh et personnage à tête de bâtonnet. Takoudematine.
L' utilisation de l' écriture Tifinagh aujourd'hui.

L' utilisation de cette écriture est pleine de paradoxes. Si depuis plus de vint cinq siècles elle a produit des milliers d' inscriptions, elle n' a par contre été utilisée pour aucun texte littéraire. La société berbère est riche d' une importante culture orale mais possède cependant des écrits presque tous en langue étrangère.

Et bien qu 'elle soit largement répandu en pays touareg, cette écriture est confinée dans des emplois que nous jugeons mineurs : inscriptions rupestres, courts messages destinés a être détruit après lecture. Un livre présente des documents exceptionnels récemment retrouvés. Il s' agit de messages adressés au Père de Foucauld par ses amis touaregs, messages écrits en tifinagh sur des supports de fortunes (bout de papier, tissu).

En fait l' écriture tifinagh n' est pas faite pour écrire. Elle est plutôt un divertissement de jeunesse et les anciens ne s'y intéressent pas ouvertement. C' est un jeu que l' on apprend dès l' enfance qui permet aux jeunes gens d' échanger des messages et de faire preuve de leur habilité.

 

Tifinagh et méhariste. In Itinen.
Tifinagh et guerriers libyens. Arakao.

Le sens de lecture est de droite à gauche. Tin Hamanie.

 

En effet, les voyelles ne sont pas notée et les mots non séparés, le lecteur doit donc essayer la série de voyelles sur chaque consonne du texte jusqu' a que les sens lui apparaisse. Le message est parfois codé afin de perturber davantage le partenaire. Il existe des compétitions où l' on prouve sa capacité à écrire et à déchiffrer.

Ces jeux, au même titre que les devinettes, jouent un rôle important dans la formation et la culture touaregue.

Un journal en tifinagh a vu le jour à Agadez.

Cependant cette écriture traditionnelle conserve une forte valeur sentimentale, elle est un symbole de l' identité berbère. Et le désir de doter le langue berbère d' une écriture usuelle occupe de nombreuses association culturelle ainsi que des scientifiques :

une interview du professeur Karl-G PRASSE >>

 

La tradition orale attribue la création des tifinagh à Amerolqis, un héros mythique, fondateur de la culture touarègue, pour communiquer discrètement avec les femmes dont il était amoureux. Amerolqis était coutumier des rencontres nocturnes et galantes, un homme accompli et bien fait de sa personne. Les femmes lui manifestaient des sentiments passionnés. Amerolqis était un maître en fait d' intelligence. Amerolqis était un galant noctambule et un amoureux des femmes. C' est à ce propos qu' il inventa les tifinagh. Il fit chaque signe à propos des femmes. Les connivences entre lui et les femmes n' étaient que des codes secrets. A l' origine, les tifinagh étaient donc perçues comme des signes confidentiels pour exprimer les relations amoureuses et courtoises entre partenaires complices. Et pour parfaire cette relation amoureuse, Amerolqis inventa la poésie, le chant et la musique.

Cette tradition galante et poétique continue de régir les rapports amoureux dans la société touarègue et explique pourquoi les tifinagh sont toujours une écriture bien vivante.

A l' issu d' un travail de normalisation des polices de caractères pour ordinateurs ont été dessinées et sont disponibles.

 

 

Proverbe touareg "Cherche la parenté, et si tu trouves l' amour, arrête-toi".

 

source : L' écriture libyco-berbère, Lionel Galand, Sahara N° 11 1999.