Je retourne à Djanet...
Il y a 20 ans, j'ai quitté Djanet avec un goût d'inachevé, sans avoir
visité le plus vaste musée d'art rupestre du Sahara : le célèbre plateau du
Tassili N'Ajjer. Après 10 ans de suspension, les agences remettent
timidement l'Algérie à leurs catalogues, alors c'est décidé, malgré les
attentats et les tensions internationales, je retourne en Algérie.
- Salut Cheikh, salut
Bourani, Salam Alekoum, Comment allez vous ?
- Bien, mais on vous attend depuis trop longtemps.
Les habitudes reviennent vite et la caravane se remet en marche. L'abka
(col) d'Assakao : nous sommes sur les traces d'Henri Lhote qui montait ce
col avec ses camions 6x6. Aujourd'hui les chameaux passent avec peine et
les véhicules sont désormais absents. Enfin voici le plateau et son reg
noir dont l'aspect le plus surprenant est cette extraordinaire érosion de
la masse des grès qui atteint son extrême avec les "forêts de
pierre" .
Bivouac dans l'oued Ido. Surprise, le campement bien que situé dans un
décor de carte postale est encombré par des boites de conserves et autres
déchets témoins d'une grande fréquentation, et ne correspond pas aux canons
du "Désert Propre" proposés par Daniel Popp. Notre surprise est
d'autant plus grande que nous sommes dans une région éloignée des sites de
peintures les plus connus et qui voit certainement ses premiers touristes
depuis au moins 10 ans. En fait nous sommes sur la piste des caravanes qui
viennent du Niger et traversent le plateau pour rejoindre la Libye en
évitant les postes de douanes. Nous en rencontrerons une le lendemain. Ces
gens travaillent et vivent dans le désert qui n'est pas pour eux un simple
terrain de trek, et nous sommes très mal placés pour leur donner des leçons
en matière de protection de l'environnement.

Nous sommes rêveurs devant les grandes fresques représentant des
personnages semblant voler ou des "grands dieux" à l'allure
thériomorphe qui dégagent une impression d'irréalité. Tous ces personnages
doivent être appréhendés comme des dieux, des héros mythiques.
Instinctivement nous nous efforçons de ne pas élever la voix comme nous le
ferions dans une église ou une mosquée
afin de percevoir l'atmosphère particulière qui se dégage de ces lieux.
Entrer dans les forêt de pierre de Sefar ou Jabbaren c'est entrer dans des
temples datant de 10 000 ans. Pour les hommes qui ont peint les images des
"têtes rondes" ces lieux étaient certainement sacrés.
Tin Tekelt, Tin Aboteka, Séfar, Tin Tazarift, Jabbaren : un foisonnement
d'images et de scènes rongées par le vent et le sable qui ne peuvent être
comprises que si on les contemple avec sensibilité.
Tamghit et la vallée des cyprès. Ces arbres reliques, dont l'age qui
pourrait se situer entre 2 000 et 5 000 ans en fait un des arbres les plus
vieux du monde, nous rappellent qu'un climat méditerranéen régnait sur le
plateau à cette époque. 200 exemplaires résistent
courageusement à la désertification et certains ont pu être les témoins de
l'émergence des populations antiques du Sahara, les célèbres Garamantes
conducteurs de chars, ancêtres probables des populations actuelles.
Oued Agedam. Nous sommes dans le sud du plateau. Avant la grande sécheresse
de 1973 des centaines de familles de Touaregs "Kel Medak"
vivaient ici. Nous ne rencontrerons qu'un seul campement avec quelques
chèvres. Hussein nous explique que sa famille fréquentait cet Oued avant
d'être obligée de rejoindre Djanet après la perte du troupeau. 
Djanet. Le voyage se termine, mais des projets se dessinent. Comme les
navigateurs qui conçoivent leurs futurs bateaux pendant les traversées
hauturières, les projets d'exploration s'organisent pendant les voyages.
Les sites du nord, Eherir, la vallée oubliée d'El Beridj … Nous quittons le
Tassili et nos amis mais pour cette fois très peu de temps, le rendez-vous
est déjà pris pour le printemps.
carnet de voyage
signé Denis Lionnet
voyage organisé par
Hommes
et Montagnes
|