Les guerriers libyens du Sahara central.

Une seule branche ne fais pas l' enclos. (Proverbe Touareg).

 

Personnage à tête trilobée dirigeant un bâton vers un trio de femmes. Tehount Tehort.

L' aire de distribution de l' école du "guerrier libyen".

Différents auteurs s' accordent (A. Muzzolini et C. Dupuy entre autres) pour localiser les représentations de l' école des "guerriers libyens" dans des régions très méridionales avec un maximum de figurations dans les massifs de l' Aïr et de l' Adrar des Ifoghas. Quelques gravures sont reconnues dans le Hoggar ainsi que dans le Djado et le Tibesti. Par contre le Tassili n' Ajjer n' entre pas du tout dans l' aire de distribution proposée par les auteurs.

Par ailleurs A. Muzzolini considère cette école comme un "ensemble de gravures", ce qui l' amène à exclure des peintures qui présentent, selon lui, seulement un air de famille.

Des découvertes récentes apportent quelques correctifs à la vision traditionnelle de l' aire de distribution de l' école des 'guerriers libyens", avec notamment des peintures dans les régions du plateau de Tadjelahine et de l' Immidir.

Une synthèse de ces découvertes est présentée dans le N° 8 des "cahiers de l' AARS' par Y. et C. Gauthier.

 

Deux personnages sexués tenant une même lance.
Scène sexuelle impliquant un personnage à tête trilobée et une femme en robe longue.

Tehount Tehort, plateau de Tadjelahine.

Une visite récente sur le site de "Tehount Tehort" sur le plateau de Tadjelahine nous a permis d' y répertorier plusieurs compositions de personnages en aplat ocre en apparence homogène. Henri Lhote rapporte la présence de constructions, des murs de pierres, sur lesquels il a relevé des traces de peintures de Caballins et de bovidiens ("vers d' autres tassilis").

Les peintures que nous avons relevées se trouvent dans un abri sous roche non loin de ces constructions.

Sur la première deux hommes, au sexe clairement indiqué, sont disposés de part et d' autre d' une lance qu' ils tiennent tous les deux. Ils sont revêtus de courtes tuniques et de jupettes triangulaires. Leur tête est à trois lobes et surmontée, pour l' un d' eux, de longues plumes.

Sur le deuxième panneau un individu assez semblable, tête trilobée, vêtement court évasé, semble diriger un bâton vers un trio de personnes vêtues de robes longues. Les seins, traduits par des excroissances sous les bras, confirment que ce sont des femmes. Les chapeaux des femmes évoquent le tête trilobée de l' homme à droite à laquelle on aurait enlevé le lobe supérieur.

Une autre peinture montre un homme qui pourrait être impliqué dans une scène ce copulation avec une femme allongée, coiffée d' un chapeau conique descendant le long de la tête vaguement indiquée. Ce chapeau, qui rappelle ceux que les bergères touaregues portent encore, peut dériver des formes précédentes par déploiement total des lobes.

Les représentations de personnages à tête trilobée de cet abri sont complétées par de nombreuses peintures d 'animaux domestiques : vaches, moutons et chiens.

Aucune inscription en caractères libyques ou tifinagh n' est associée à ces "guerriers libyens" ce qui permet de les rapprocher des "porteurs de lance".

Dans leur article Yves et Christine Gauthier présentent les représentations, peintures et gravures, relevant de l' école du "guerrier libyen" qu' ils ont repérés dans diverses stations des tassilis de l' Immidir.

Les gravures de l' Immidir sont directement associées à des inscriptions et s' insèrent dans un contexte libyco-berbère.

Personnage à tête trilobée tenant une girafe en laisse. Des inscriptions de différentes patines et époques (dont une en arabe) sont associées. In Djerane.

Gravures de la Tadrart.

La Tadrart algérienne à livré de nombreux exemples de gravures qui se rapprochent des personnages à têtes trilobées des massifs de l 'Aïr et de l' Adrar des Ifoghas.

Ainsi sur dans l' oued In Djerane un homme à tête trilobée et armée d' une lance tient une girafe en longe. Cette représentation pose le problème d' une éventuelle domestication de cet animal. La girafe peut être chassée sans risque et il est possible que certains individus aient pu être gardés en captivité. Léon l' Africain raconte comment les populations du Soudan capturaient de jeunes girafes quelques jours après leur naissance.

Ces gravures sont dans le prolongement de celles trouvées dans le massif de l' Akakus en Libye.

 

Personnages à têtes trilobées. Ouane Adjane.
Le personnages tête trilobée est superposée à une gravure plus ancienne d' éléphant.

Quelques exemples de peintures relevant de cette école du "guerrier libyen" ont été relevés dans la Tadrart. Ainsi à Ouan Adjane des personnages en aplat blanc avec des têtes trilobées. Celui du centre semble menacer le personnage de gauche avec un bâton. Le troisième est remarquable pour l' appendice qui pend entre ses jambes.

En résumé cet inventaire, naturellement incomplet, apporte un éclairage nouveau sur le pénétration des 'guerriers libyens", porteurs de lance ou de javelots. La plupart de ces stations s' échelonnent entre l' Immidir et l' Akakus/Tadrat avec des intermédiaires dans le tassili n' Ajjer.

 

Révision de la distribution.

Sans être aussi nombreux qu' en Aïr ou dans les Ifoghas, les "guerriers libyens" sont nettement présents au Sahara central où ils partagent les mêmes aires géographiques que les caballins. La multiplication des scènes rend difficile l' hypothèse de contacts limités et impose de leur accorder le statut de groupe ou d' étage à part entière. On ne peut plus en rester aux schémas de distributions proposés par A. Muzzolini et C. Dupuy, avec un barycentre décalé vers l' Aïr et les Ifoghas. Les nombreuses figurations dans les régions septentrionales sont une donnée incontournable dans une discussion sur le peuplement du Sahara central et son évolution jusqu' à l' avènement des Touaregs.

source : Remarque sur le "guerrier libyen", Yves et Christine Gauthier, Les cahiers de l' AARS N° 8, août 2003.