Le néolithique au Sahara.

Ecoute le vent. C' est le Sahara qui pleure. Il veut verdir. (Chanson du Hoggar).

 

Poterie, certainement récente, proche des dunes de Temet. Niger.

Le Néolithique peut être considéré comme l' apothéose dans l' évolutions des sociétés préhistoriques après ces 2 à 3 millions d' années où le genre Homo a dû acquérir le bipédie et la technologie de la pierre, la parole et le feu. En chemin, il a découvert la conscience et l' angoisse de la mort, créé ses premiers mythes et ses premières religions. Le Néolithique assiste à l' accélération de tous ces processus conduisant au progrès. Partie d' une société de prédation, l' Humanité évolue vers la sécurité de la production pour aboutir aujourd'hui à l' impasse de la surconsommation. (Malika HACHID).

Entre le VIII et le VI millénaire avant J.C. s' effectue autour du bassin méditerranéen une transformation radicale du genre de vie des populations qui passent du régime des chasseurs-cueilleurs à celui de producteurs pratiquant l' agriculture et l' élevage. En moins de deux millénaires la vie des hommes allait changer plus profondément que pendant les deux millions d' années qui avaient précédé ce grand tournant de l' histoire. Les conséquences ne sont pas que matérielles, la société, les mentalités, la vie culturelle et spirituelle se modifient aussi radicalement. En fait nous sommes encore des néolithiques.

On peut se poser la question de savoir ce qui a poussé les hommes à cette évolution.

Selon une version traditionnelle (la littérature sur la révolution néolithique date de 1930 avec les travaux de Gordin Childe) l' origine du néolithique se situe au Proche-Orient et toutes les modifications ont pour cause le changement économique lorque que les hommes sous la pression des conditions naturelles, contraintes climatiques ou démographiques, passent du stade de chasseur-cueilleur à celui d' agriculteur et d 'éleveur. La sédentarisation est alors considérée comme une conséquence, le développement de l' agriculture oblige l' homme à demeurer auprès de ses champs.

Les vestiges du néolithique jonchent les sol du Ténéré.
Pointes de flèches.
Hache.
Décor en dotted wavy line. Tagalagal.
Pointe de lance. Ténéré.

A cette conception classique s' oppose aujourd' hui une nouvelle école basée sur les résultats récents de l' archéologie orientale. Les fouilles ont apporté la preuve que les hommes ont construit des villages (civilisation natoufienne) pour y résider bien avant de modifier leur stratégie alimentaire. La domestication des céréales n' est constatée (période PPNA puis PPNB, culture sans céramique) dans cette région qu' environ deux millénaires plus tard alors que les graminées sauvages prospéraient et servaient de base à l'alimentation. L'agriculture est définitivement établie en Orient à partir de 7 000 avant J.C. et la céramique vers 6 000 avant J.C.

Cette modification des rapports de l' homme avec son environnement n' est donc pas le résultat d' une réponse à une contrainte extérieure mais le fruit d' un changement de nature psychologique conduisant à une nouvelle prise de conscience de l' homme face à la nature.

Ce changement pourrait correspondre à la "naissance des divinités" ou l' apparition d' une véritable religion néolithique dont on peut voir les signes tangibles dans l' explosion symbolique de la culture de Khiam en Palestine, culte de la déesse et du taureau ("Naissance et des divinités Naissance de l' agriculture, Jacques Cauvin).

Il y a 30 ans encore, on pensait que les grandes innovations technologiques (poterie, élevage, métallurgie) étaient toutes nées au Proche-Orient et avaient atteint l' Afrique subsaharienne par la vallée du Nil. La recherche archéologique a montré que ce n' était plus tout à fait vrai.

Le temps est largement venu de renoncer à l' idée d' une Afrique éternellement "à la traîne" des inventions asiatiques et européennes. (Marianne Cornevin).

 

 

 

Des recherches récentes dans le massif de l'Air (sites deTagalagal dans les monts Bagzanes , de l'adrar Bous, de Tin Ouaffadène et de Temet) ont révelés des gisements archéologiques datés au carbone 14 d' environ 9 000 BP (entre 9 559 et 9 000 BP pour une dizaines de datations) contenant de nombreux tessons de céramique, des meules ainsi que des outils de pierre de toute nature. Cette découverte confirme d' autre datations à peine plus récentes pour des sites à céramique du Hoggar (9 200 BP) et de l' Akakus (Tin Torha, 9 000 BP).

La céramique se révèle être bien développée , déjà diversifiée dans ses formes et ses décors. Une des techniques de décoration les plus utilisées est la "ligne ondée pointillée" (dotted wavy line), obtenues à l' aide d' un peigne de pierre. Un de ces peignes a été retrouvé à Temet.

On peut donc logiquement penser que les massifs montagneux du Sahara central et méridional constituent un des centres d' invention de la céramique à coté du foyer proche-oriental où d' ailleurs aucun site à céramique n' est antérieure à 9 000 BP.

L' analyse de ces terres cuites donnent l' impression d' une occupation permanente ou du moins prolongée des sites. L' utilisation de récipients en céramique, matériau relativement fragile, est d' ailleurs peu compatible avec le nomadisme. L'apparition de la céramique est fondamentalement liée à une modification des habitudes alimentaites et de l' économie.

Epis de mil sauvage.

Aucune preuve archéologique d' un début d' agriculture n 'a été apportée, cependant des études récentes sur la structure génétique du mil permettent d' envisager un foyer de domestication primaire de cette céréale dans région de l' Afrique. Les conditions climatiques favorables de cette époque (grand humide) ont certainement aidé à cette évolution.

Ces indices conduisent à formuler l' hypothèse qu' un processus local de néolithisation est en route dans les massifs saharien vers 9 500 BP.

La néolithisation traduit quelque chose de plus profond qu 'une simple évolution. Elle est réellement une "mutation idéologique", une révolution.

Il y a 10 000 ans cette transformation s' est opérée dans l' esprit des hommes qui vivaient dans le massif de l' Aïr. Elle s' est exprimée là par une explosion de la production de céramique.

Cette céramique permet un comportement nouveau. Permettant la fabrication de bouillies, elle est à l' origine d' une modification de la nutrition. Elle facilite l' accumulation des réserves. Elle est le signe d' une transformation du mode de pensée.La poterie, qui n'apparaitra dans la vallée du Nil que vers le milieu du 5 eme millénaire avant J-C, connaît un véritable essor dans ces montagnes du nord est du Niger.  

Les conditions climatiques ne vont pas permettre le développement d' une véritable agriculture mais le processus de néolithisation saharien va pourtant continuer à se developper, mais d' une manière originale. Il est caractérisé par une économie pastorale nomade avec une survivance des activités de chasse et de cueillette, parfaitement adaptée a un environnement de plus en plus difficile, voir hostile.

L' histoire saharienne, qui nous raconte comment l' homme a survécu dans des conditions uniques et extrêmes, est un document d' une valeur immense. Il aide à comprendre les possbilités humaines d' adaptation, le savoir dont nous avons besoin pour assurer notre survie future, dans nos propres conditions modernes qui se modifient de manière dramatique. (Jan Jelinek).

 

Meule.. Ténéré, Niger.
Hache touaregue et hache à gorge néolithique.

Le Néolithique "Saharo-soudanais".

Les sites néolithiques se comptent par centaines au Sahara, tant dans les massifs que dans les plaines. Les explorateurs se sont étonnés très tôt de la profusion des pointes de flèches. G. Camps utilise le terme "Saharo-soudanais" pour désigner ce néolithique. Ses racines profondes plongent dans une tradition saharienne et soudanaise.

Il est composé d' une multitude de faciès culturels qui met en évidence très tôt la mosaïque du peuplement saharien. Deux cultures sont plus particulièrement connues : les faciès ténéréen et bovidien, qui peuvent être vus comme les deux termes d' une transhumance d' altitude.

 

Le Ténéréen.

Ce faciès tire son nom du Ténéré où les hommes ont vécu sur les rives du fleuve Tafassasset entre les massifs de l' Aïr et du Tibesti, on trouve une forte concentration de sites sur la bordure est du massif de l' Aïr, notamment dans le secteur d' Areshima. Les gravures du kori Tanakom peuvent être rapportées à cette période. Les datations effectuées sur ces sites se situent entre 5 000 et 4 000 BP. Il est bien connu depuis la mission Berliet-Ténéré-Tchad en 1960.

Les vestiges de ces Ténéréens sont nombreux, notamment des outils en pierre : meules, disques et haches à gorge.

Certaines meules ont des formes parfaites et portent parfois des décors et des encoches sur les bords, comme si on les avait attaché pour des déplacements à dos de bêtes.

La hache à gorge est un autre outils caractéristique du ténéréen. Elle est généralement lourde et ressemble à une vraie sculpture. La gorge constitue une sorte d' étranglement destiné à recevoir le lien qui la maintient au manche.

Les pasteurs ténéréens étaient aussi des chasseurs comme le prouvent les nombreuses pointes de flèches et de lances que l' on retrouve. Ces pointes sont le plus souvent taillées dans une roche silicieuse de grande qualité, le jaspe vert, ce qui explique la perfection des formes.

Les remparts du site de Tehount Tehort. Tadjelahine.

Le Bovidien.

Le bovidien occupe le plateau du tassili N' Ajjer ainsi que la haute vallée du Tafassaset et l'erg Admer. Les pasteurs appréciaient les conditions des plaines, mais se rendaient aussi sur le plateau pour y faire pâturer les troupeaux, célébrer leurs cérémonies religieuse et peindre les parois des abris. Les pasteurs bovidiens ont ainsi laissé des traces de leurs cultures matérielles dans les abris sous roche du plateau.

Les bovidiens lors de leurs séjours sur le plateau se sont installés dans des abris dont ils ont renforcé les bords par des enceintes de pierres. Ils ont aussi barré les couloirs naturels des forêts de pierres pour y parquer leurs troupeaux.

Parfois se sont de véritables enceintes fortifiées qui protègent l' espace occupé par les hommes et les bêtes. Deux de ces sites remarquables se trouvent sur le plateau de Tadjelahine : Akraren et Tehount Tehort. Ils présentent tous les deux la particularité de se trouver sur des crêtes qui dominent les oueds voisins et offrent ainsi des d' intéressantes possibilités de défenses.

 

Parc à boeufs. Tin Abenhar.
Meule sur la terrasse d' un abri. Talmest. Tadjelahine.

La cueillette est un important appoint, notamment celle des graminées sauvages. On retrouve du matériel de broyage en quantité, meules et molettes sur le sol des terrasses.

On trouve souvent à proximité des sites des concavités creusées dans la pierre, des sortes d' auge de grandeurs variables. Certains auteurs les ont considéré commes des meules dormantes et leur nombre a amené la question d' une proto-agriculture dans le Sahara.

Cependant beaucoup de ces graminées peuvent être consommées sans être broyées. Les graines sont fines et sont souvent cuites sans être broyés.

En fait ces concavité ont eu des fonctions multiples et ont servi à broyer des produits de différentes natures : ocre, viande, cuir ... Ces auges ont pu aussi avoir un lien avec des pratiques rituelles. En effet certaines sont trop profondes pour y broyer quoi que soit. Aujourd'hui encore les auges servent de réceptacles à des offrandes alimentaires après qu' on les ait frotté à l' aide d' une molette.

Il y a 8000 ans on cueillait à l' automne les épis du petit mil qui avaient poussé tout seul. Ces graminées sauvage constituent aujourd'hui encore l' essentiel de la ration calorique dans les régions tropicales de l' Afrique. Le Mil pénicillaire est cultivé dans toute la bande sahélienne.

L' Afrique tropicale était donc infiniment plus riche que l' Europe tempérée en plantes alimentaires de grande valeur, ce qui explique la persistance jusqu 'à nos jours de cette proto-agriculture.

 

Les bétyles in situ de Tan Khadidja.

Les bétyles de Tan Khadidja.

Sur le plateau de Tadjelahine, au lieu dit Tan Khadidja, on peut observer une concentration de pierres dressées. Elles furent révélées par Henri Lhote en 1969. Elles sont toutes en grès et possèdent une forme en pain de sucre. La plus grande mesure près de 60 cm de haut. Quelques une présentent une des faces polie et légèrement aplanie.

des concentrations du même type se trouvaient dans les sites de Tabelbalet en bordure de l'erg Issaouane et de Tazrouk dans le Hoggar. Dans les deux cas les bétyles étaient posés à côté d' un tumulus. Sur certains de l' ocre rouge et un pigment noir soulignent les traits d' un visage.

Pour les Touaregs ces bétyles ont une origine surnaturelle. Le fait qu' ils représentent des êtres humains et soient déposés près de sépultures, comme à Tablebet et Tazrouk, pourrait indiquer un culte des ancêtres. Il y a encore peu les bétyles de Tan Kadidja étaient le lieu de dépôts.

Si les bétyles de Tabelbalet de de Tazrouk ne sont plus en place, ceux de Tan Khadidja sont toujours visibles in situ.